Wednesday, 10 April 2013

Calcutta à bicyclette


Aujourd’hui à Calcutta le thermomètre a dépassé les 40°C ! Depuis que je suis arrivée le 5 février, il n’y a eu que deux jours de pluie et j’avoue que depuis une semaine j’espère une averse, même une petite, pour rafraîchir l’atmosphère… Le matin à 6h30 il fait déjà très chaud pour aller chez les Missionnaires, mais le trajet du retour vers midi est épuisant ! J’avais oublié la sensation de cette chaleur humide et écrasante qui colle les vêtements à la peau. Presque tout le monde a adopté l’habitude des indiens de toujours avoir avec soi une petite serviette éponge pour essuyer la sueur sur le visage… Je pense bien que je vais finir par me réhabituer à ce climat mais pour l’instant je n’ai pas eu le courage de retourner à l’hôpital de Khaligat (un autre des centres des missionnaires de la charité) l’après-midi. L’après-midi, pour le moment, c’est sieste !
Sauf dimanche dernier. Un de mes amis, David, un canadien que j’ai rencontré en février, m’a convaincu de faire une ballade en bicyclette avec lui ! 
David n’est pas bénévole, il est reporter-photo et il organise aussi des circuits en vélo en Inde, en Corse et sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Ca fait 12 ans qu’il vient à Calcutta passer 4 à 6 mois chaque année et il connaît très bien la ville. Au début j’étais un peu réticente à faire du vélo dans Calcutta, parce que le trafic est complètement chaotique ici ! Il y a notamment cette règle de changer le sens de circulation de toutes les rues du centre-ville à 13h tous les jours qui crée des bouchons énormes. Quelquefois deux voitures se retrouvent nez-à-nez, aucune des deux n’étant disposée à faire marche arrière… puisque de toute façon les deux conducteurs doivent bien reprendre la marche dans le bon sens !  Un de mes amis indiens m’a expliqué que ce changement est absolument nécessaire parce que si le matin les voitures viennent par une rue, il faut bien changer le sens de la rue l’après-midi pour que les voitures puissent rentrer par cette même rue le soir ! J’ai pas très bien compris parce qu’il n’y a pas qu’une seule rue à sens unique à Calcutta, loin de là ! Mais comme il m’a dit « Tu ne vas pas manger avec ton nez quand même ! » (La conversation s’est finie sans plus d’explication sur cette phrase mystérieuse mais j’ai toujours de gros doutes sur l’utilité de leur système…) Bref tout ça pour dire que la circulation de Calcutta, entre les bus, les camions, les taxis, les autos, les tuk-tuks, les vélo-rickshaws, les rickshaws, les piétons (ici on ne marche pas sur les trottoirs puisqu’on y vit !), les troupeaux de chèvres et les vaches de temps en temps… ne m’inspirait pas tellement confiance pour une ballade en vélo ! 
David ne m’a pas tellement rassurée en m’expliquant qu’en Inde, il ne faut jamais regarder en arrière quand on est sur la route. On s’occupe de ce qui se passe devant, on klaxonne et on espère que les véhicules derrière fassent attention… On comprend alors pourquoi beaucoup de véhicules n’ont pas de rétroviseurs mais tous on un klaxon ou des avertisseurs quelconques toujours en parfait état de fonctionnement ! Enfin David a finalement réussi à me convaincre et dimanche nous avons pris deux vieux vélos très lourds dotés de klaxons démesurés qu’il avait achetés à Delhi et nous sommes partis en début d’après-midi vers le Nord de la ville. Avec 38°C je pensais que ce serait très dur mais finalement c’était plutôt agréable de pédaler et d’avoir un peu d’air sur le visage. Les indiens avaient l’air de trouver ça très drôle de nous voir sur nos vélos ! Ils n’arrêtaient pas de rigoler en nous voyant ! Finalement ce n’était pas trop compliqué de suivre David et au bout de quelques minutes j’ai eu assez confiance pour vraiment profiter de la ballade. David m’a montré plein de choses que je n’avais jamais vues (c’est dommage mais j’avais oublié mon appareil photoL). D’abord nous nous sommes arrêtés dans une imprimerie où il faisait faire des affiches promouvant ses tours en vélo en Inde. C’est une vieille imprimerie qui utilise la même presse depuis 130 ans ! Les trois hommes qui travaillent là ont tous un, deux ou trois doigts en moins, les bras couverts de peinture et d’huile… La machine ne peut faire qu’une affiche correcte sur 4 ou 5 feuilles utilisées et encore en plusieurs fois car elle ne permet de n’imprimer que 2 couleurs à la fois ! Le dimanche ils ont fait le vert et le jaune et nous y sommes retournés lundi pour le rouge et le noir… Il a bien fallu imprimer une trentaine d’affiches pour que les couleurs soient parfaitement ajustées selon les souhaits de David, il fallait ajouter du rouge au centre, en enlever sur les côtés… à tâtons, bien loin du clic que l’on peut faire maintenant sur un ordinateur pour choisir la teinte exacte de rouge que l’on souhaite avoir ! Mais le résultat est pas mal du tout ! et cette imprimerie continue de fonctionner tant bien que mal ici en faisant notamment des affiches pour les films de cinéma… espérons que ça dure !
David m’a emmenée ensuite au marché des poissons et des oiseaux, c’est-à-dire ceux que l’on achète comme animaux de compagnie ! Il y avait un monde fou, surtout pour acheter des pigeons ! C’est vrai qu’ici il n’y a pas de pigeon en ville, juste des grosses corneilles (je croisJ) qui n’ont pas l’air amicales du tout et qui me font plutôt peur ! Il y avait aussi des perroquets, des perruches de toutes les couleurs, des bébés lapins, des bébés souris aussi (comme s’il n’y avait pas assez de rongeurs comme ça partout dans la ville ! Tous les soirs de ma fenêtre je peux voir deux gros rats qui vont chercher à manger…). Nous sommes ensuite allés pédaler au bord du Gange, il n’y avait presque pas de circulation c’était super ! Il y a beaucoup de Ghat le long des berges, des marches qui descendent dans le fleuve et qui servent notamment à immerger les statues en terre dans le fleuve sacré lors des cérémonies religieuses et la plupart du temps aux indiens pour se baigner… Je sais bien qu’à son embouchure le Gange est dans un état terrible mais en voyant les indiens qui nageaient j’ai eu moi aussi très envie de plonger dedans ! Le long du fleuve, il y a beaucoup d’anciennes maisons coloniales bâties par les anglais. Elles sont décrépies maintenant, mais elles servent à abriter chacune plusieurs familles. Nous sommes entrés dans l’une d’entre elles avec David. Au rez-de-chaussée c’était très sombre, on est monté au premier étage où il y avait environ 6 familles installées dans les pièces distribuées autour du balcon à colonnes qui formait la cage d’escalier. Une indienne nous a offert du chaï et des biscuits. Là aussi il faisait encore assez sombre, je ne suis pas sûre qu’il y avait l’électricité. Nous sommes montés jusqu’au toit d’où on avait une super vu sur le Gange et les Ghats. Nous avons ensuite continué le long du Gange jusqu’à un slum (un bidonville) où des enfants se sont précipités sur nous quand nous avons laissé nos vélos, plusieurs européens travaillent dans une ONG de ce quartier, du coup ils sont habitués à ce qu’on s’occupe d’eux. David m’a emmené dans un boui-boui où un homme préparait du chaï. C’était tout un spectacle de le regarder, il a fait une véritable cérémonie en jetant des choses dans le feu ou dans sa marmite avec de grands gestes, en écarquillant les yeux comme s’il essayait de jeter un sort au thé ! Enfin je ne sais pas trop ce qu’il a fait au final mais c’est le meilleur chaï que j’ai goûté jusqu’à présent… 
La nuit commençant à tomber nous avons du rentrer avec David en passant devant les crématoriums, puis par le marché aux fleurs. David part au Canada dans deux jours et c’est dommage parce que j’aurais adoré qu’il me montre d’autres endroits comme ça qu’on ne peut trouver qu’ici en Inde… Il va confier ses deux vélos au patron d’un restaurant de Sudder Street et il m’a dit de m’en servir quand je voulais mais je ne sais pas si j’oserais affronter la circulation calcutienne (ou calcuttane ?!) sans lui. Enfin je vous tiendrez au courant. En attendant je regrette vraiment de ne pas avoir plus de photos de cette ballade à vous montrer…

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