Aujourd’hui à Calcutta le
thermomètre a dépassé les 40°C ! Depuis que je suis arrivée le 5 février,
il n’y a eu que deux jours de pluie et j’avoue que depuis une semaine j’espère
une averse, même une petite, pour rafraîchir l’atmosphère… Le matin à 6h30 il
fait déjà très chaud pour aller chez les Missionnaires, mais le trajet du
retour vers midi est épuisant ! J’avais oublié la sensation de cette
chaleur humide et écrasante qui colle les vêtements à la peau. Presque tout le
monde a adopté l’habitude des indiens de toujours avoir avec soi une petite
serviette éponge pour essuyer la sueur sur le visage… Je pense bien que je vais
finir par me réhabituer à ce climat mais pour l’instant je n’ai pas eu le
courage de retourner à l’hôpital de Khaligat (un autre des centres des
missionnaires de la charité) l’après-midi. L’après-midi, pour le moment, c’est
sieste !
Sauf dimanche dernier. Un de
mes amis, David, un canadien que j’ai rencontré en février, m’a convaincu de
faire une ballade en bicyclette avec lui !

David n’est pas bénévole, il
est reporter-photo et il organise aussi des circuits en vélo en Inde, en Corse
et sur les chemins de Saint-Jacques de Compostelle. Ca fait 12 ans qu’il vient
à Calcutta passer 4 à 6 mois chaque année et il connaît très bien la ville. Au
début j’étais un peu réticente à faire du vélo dans Calcutta, parce que le
trafic est complètement chaotique ici ! Il y a notamment cette règle de
changer le sens de circulation de toutes les rues du centre-ville à 13h tous
les jours qui crée des bouchons énormes. Quelquefois deux voitures se
retrouvent nez-à-nez, aucune des deux n’étant disposée à faire marche arrière…
puisque de toute façon les deux conducteurs doivent bien reprendre la marche
dans le bon sens ! Un de mes amis
indiens m’a expliqué que ce changement est absolument nécessaire parce que si
le matin les voitures viennent par une rue, il faut bien changer le sens de la
rue l’après-midi pour que les voitures puissent rentrer par cette même rue le
soir ! J’ai pas très bien compris parce qu’il n’y a pas qu’une seule rue à
sens unique à Calcutta, loin de là ! Mais comme il m’a dit « Tu ne
vas pas manger avec ton nez quand même ! » (La conversation s’est
finie sans plus d’explication sur cette phrase mystérieuse mais j’ai toujours
de gros doutes sur l’utilité de leur système…) Bref tout ça pour dire que la
circulation de Calcutta, entre les bus, les camions, les taxis, les autos, les
tuk-tuks, les vélo-rickshaws, les rickshaws, les piétons (ici on ne marche pas
sur les trottoirs puisqu’on y vit !), les troupeaux de chèvres et les
vaches de temps en temps… ne m’inspirait pas tellement confiance pour une
ballade en vélo !

David ne m’a pas tellement rassurée en m’expliquant
qu’en Inde, il ne faut jamais regarder en arrière quand on est sur la route. On
s’occupe de ce qui se passe devant, on klaxonne et on espère que les véhicules
derrière fassent attention… On comprend alors pourquoi beaucoup de véhicules
n’ont pas de rétroviseurs mais tous on un klaxon ou des avertisseurs quelconques
toujours en parfait état de fonctionnement ! Enfin David a finalement
réussi à me convaincre et dimanche nous avons pris deux vieux vélos très lourds
dotés de klaxons démesurés qu’il avait achetés à Delhi et nous sommes partis en
début d’après-midi vers le Nord de la ville. Avec 38°C je pensais que ce serait
très dur mais finalement c’était plutôt agréable de pédaler et d’avoir un peu
d’air sur le visage. Les indiens avaient l’air de trouver ça très drôle de nous
voir sur nos vélos ! Ils n’arrêtaient pas de rigoler en nous voyant !
Finalement ce n’était pas trop compliqué de suivre David et au bout de quelques
minutes j’ai eu assez confiance pour vraiment profiter de la ballade. David m’a
montré plein de choses que je n’avais jamais vues (c’est dommage mais j’avais
oublié mon appareil photoL).
D’abord nous nous sommes arrêtés dans une imprimerie où il faisait faire des
affiches promouvant ses tours en vélo en Inde. C’est une vieille imprimerie qui
utilise la même presse depuis 130 ans ! Les trois hommes qui travaillent
là ont tous un, deux ou trois doigts en moins, les bras couverts de peinture et
d’huile… La machine ne peut faire qu’une affiche correcte sur 4 ou 5 feuilles
utilisées et encore en plusieurs fois car elle ne permet de n’imprimer que 2
couleurs à la fois ! Le dimanche ils ont fait le vert et le jaune et nous
y sommes retournés lundi pour le rouge et le noir… Il a bien fallu imprimer une
trentaine d’affiches pour que les couleurs soient parfaitement ajustées selon
les souhaits de David, il fallait ajouter du rouge au centre, en enlever sur
les côtés… à tâtons, bien loin du clic que l’on peut faire maintenant sur un
ordinateur pour choisir la teinte exacte de rouge que l’on souhaite
avoir ! Mais le résultat est pas mal du tout ! et cette imprimerie
continue de fonctionner tant bien que mal ici en faisant notamment des affiches
pour les films de cinéma… espérons que ça dure !

David m’a emmenée ensuite au marché des poissons et
des oiseaux, c’est-à-dire ceux que l’on achète comme animaux de
compagnie ! Il y avait un monde fou, surtout pour acheter des
pigeons ! C’est vrai qu’ici il n’y a pas de pigeon en ville, juste des
grosses corneilles (je croisJ) qui
n’ont pas l’air amicales du tout et qui me font plutôt peur ! Il y avait
aussi des perroquets, des perruches de toutes les couleurs, des bébés lapins,
des bébés souris aussi (comme s’il n’y avait pas assez de rongeurs comme ça
partout dans la ville ! Tous les soirs de ma fenêtre je peux voir deux
gros rats qui vont chercher à manger…). Nous sommes ensuite allés pédaler au
bord du Gange, il n’y avait presque pas de circulation c’était super ! Il
y a beaucoup de Ghat le long des berges, des marches qui descendent dans le
fleuve et qui servent notamment à immerger les statues en terre dans le fleuve
sacré lors des cérémonies religieuses et la plupart du temps aux indiens pour
se baigner… Je sais bien qu’à son embouchure le Gange est dans un état terrible
mais en voyant les indiens qui nageaient j’ai eu moi aussi très envie de
plonger dedans ! Le long du fleuve, il y a beaucoup d’anciennes maisons
coloniales bâties par les anglais. Elles sont décrépies maintenant, mais elles
servent à abriter chacune plusieurs familles. Nous sommes entrés dans l’une
d’entre elles avec David. Au rez-de-chaussée c’était très sombre, on est monté
au premier étage où il y avait environ 6 familles installées dans les pièces
distribuées autour du balcon à colonnes qui formait la cage d’escalier. Une
indienne nous a offert du chaï et des biscuits. Là aussi il faisait encore
assez sombre, je ne suis pas sûre qu’il y avait l’électricité. Nous sommes
montés jusqu’au toit d’où on avait une super vu sur le Gange et les Ghats. Nous
avons ensuite continué le long du Gange jusqu’à un slum (un bidonville) où des
enfants se sont précipités sur nous quand nous avons laissé nos vélos,
plusieurs européens travaillent dans une ONG de ce quartier, du coup ils sont
habitués à ce qu’on s’occupe d’eux. David m’a emmené dans un boui-boui où un
homme préparait du chaï. C’était tout un spectacle de le regarder, il a fait
une véritable cérémonie en jetant des choses dans le feu ou dans sa marmite
avec de grands gestes, en écarquillant les yeux comme s’il essayait de jeter un
sort au thé ! Enfin je ne sais pas trop ce qu’il a fait au final mais
c’est le meilleur chaï que j’ai goûté jusqu’à présent…
La nuit commençant à
tomber nous avons du rentrer avec David en passant devant les crématoriums,
puis par le marché aux fleurs. David part au Canada dans deux jours et c’est
dommage parce que j’aurais adoré qu’il me montre d’autres endroits comme ça
qu’on ne peut trouver qu’ici en Inde… Il va confier ses deux vélos au patron
d’un restaurant de Sudder Street et il m’a dit de m’en servir quand je voulais
mais je ne sais pas si j’oserais affronter la circulation calcutienne (ou
calcuttane ?!) sans lui. Enfin je vous tiendrez au courant. En attendant
je regrette vraiment de ne pas avoir plus de photos de cette ballade à vous
montrer…